Comment écrire les dialogues dans un roman ?
- dblamourdesmots
- il y a 5 jours
- 8 min de lecture
Voici la retranscription d’une conversation avec Charlotte de Je vous lis, correctrice et bêta-lectrice professionnelle, à propos des dialogues dans un roman. Rien de mieux qu'une vraie conversation pour t'indiquer comment en écrire une dans ton propre roman, n'est-ce pas ?
— Eh ! Dis-moi, Charlotte. Toi aussi, tes auteur.es ont des soucis avec les dialogues ?
— Yep !
Charlotte leva ses deux pouces en l’air, marquant le début de cet échange prometteur. J’étais, quant à moi, tout sourire à l’idée de discuter avec mon amie.
— C’est l’une des choses que je reprends le plus en tant que correctrice.
— Ah ouais ? Eh bah écoute, en tant que bêta-lectrice, c’est pareil.
— Et si on leur donnait des petits tips pour les aider ?
— Carrément, je pense que ça pourrait être sympa d’allier nos deux expertises ! Quel est le problème principal que tu rencontres chez tes auteur.es ?
— Eh bien… commença-t-elle, sa bouche de côté, les yeux regardant le plafond. Il y en a beaucoup qui me disent qu’ils ne savent pas quoi raconter dans leurs dialogues. Tu aurais des conseils à leur donner pour ça, toi ?
Assise à mon bureau, je réfléchis quelques secondes avant de répondre :
— Celui qui me vient direct à l’esprit, c’est de chercher à quoi sert la conversation au sein de ce chapitre et pour le roman en général. Donc on oublie de faire parler les personnages en mode : « bonjour », « bonsoir », « comment ça va ? », parce que ça, le lecteur n’a pas besoin de le lire ; c’est assez évident pour lui.
— Ouais, et je dirais même que c’est redondant, car ça ralentit le rythme. D’accord, c’est réaliste. Dans la vraie vie, on introduit nos échanges, mais dans un roman, ça rompt la dynamique de la narration.
— Exactement ! D’ailleurs, dans un roman de fiction, tout est réfléchi. Chaque élément doit avoir sa place pour une raison qu’il faut pouvoir justifier derrière.
— À ça, je te répondrai qu’il faut « un temps pour chaque chose et chaque chose à sa place », lança Charlotte, un sourire aux lèvres, fière de sa réplique.
— Oh, la référence à Charmed ! dis-je en rigolant. En parlant de réalisme, j’ai aussi remarqué que beaucoup de personnages avaient toujours la même voix dans les dialogues.
— C’est vrai, et ça donne un rendu lisse. En ne faisant pas ressortir la personnalité du personnage, ça casse sa crédibilité. Après tout, on ne parle pas tous de la même manière ni avec les mêmes intonations.
— Mais tellement ! En fait, c’est comme si les protagonistes n’étaient pas… individualisés, ou correctement personnifiés. Tu vois ce que je veux dire ? Et puis, parfois, j’avoue avoir du mal à les différencier et ça me perd dans ma lecture… que ce soit en tant que lectrice ou pro.
— Mais oui ! C’est un peu pareil que quand tu commences une nouvelle série et que tu n’arrives pas à différencier qui est qui, parce que bordel, ils se ressemblent tous ! Perso, pour éviter ça, je conseille toujours d’utiliser les tics de langage. Par exemple, les « genre », les « du coup » ou… tes « d’ailleurs », glissa mon amie d’un ton innocent.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles… N’empêche que c’est toujours bien d’avoir des idées d’expressions propres à chacun pour aider à leur caractérisation. En plus, elles sont souvent déterminées par leur personnalité. Un personnage timide ne va pas avoir la même présence dans une conversation qu’une personne extravertie qui apprécie les échanges.
— Tout à fait ! « D’ailleurs », poursuivit-elle en mimant mon mot préféré, l’un des conseils que je donne le plus souvent pour aider mes auteur·es à creuser leurs personnages, c’est de s’inspirer de la réalité. Après tout, c’est un très bon terrain de jeu.
— Tiens, bon conseil ! C’est pour ça qu’il faut toujours avoir un carnet sur soi ou avoir assez de place sur son téléphone pour une énième note.
— Ou un espace de stockage illimité dans son cerveau, hehe !
Ne m’attendant pas à cette réplique, j’observai Charlotte d’un œil amusé en mangeant un mini œuf de Pâques.
— Mais non, je ne savais pas qu’on était dans un roman de science-fiction ! Bon, blague à part. Tu as aussi l’usage du langage corporel qui peut aider à humaniser les personnages. Et c’est toujours plus immersif aussi. Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
— Grave ! De mon côté, je rencontre souvent des auteur·es qui ne savent pas comment faire réagir leurs personnages, alors que le langage non verbal est tout aussi important que l’échange en lui-même. Ça donne de la profondeur au dialogue.
— Complètement d’accord. Comme dirait mon papa, le langage corporel, c’est 80 % de notre communication.
En phase avec ma citation, mon amie ne put s’empêcher d’affirmer :
— Mais je vibre avec cette idée ! Au final, on n’est pas dans un script de film avec des répliques façon robot sans âme et sans humanité.
— Oui, c’est vrai, c’est pas du tout la même chose. Dans un film, tu entends quand le personnage est énervé ou triste, et tu peux percevoir cette émotion sur son visage ou à la manière dont il réagit. Alors que dans un roman… bah t’as pas ces armes. Je pense d’ailleurs que c’est pour ça qu’ils sont si compliqués à rédiger, ces fameux dialogues.
— Le « d’ailleurs », le retour ! En fait, l’aspect compliqué vient du fait qu’on doit crédibiliser au max ses personnages pour donner une vraie portée au dialogue. Et justement, c’est là que l’observation de la réalité est utile.
— C'est vrai. Je dirais même qu’il faut aller plus loin en se demandant quelle émotion traverse les gens observés, rien qu’en se focalisant sur leur langage corporel. Comment est-ce qu’on peut remarquer que cette personne est bouleversée, surprise, énervée, blasée ou toute autre émotion ? En gros, il faut se transformer en un Zola des temps modernes, quoi.
Tout en sirotant mon eau à la menthe, j’eus une petite pensée pour mon professeur de littérature comparée qui aurait adoré ma référence à son auteur préféré.
— Oh, j’adore cette comparaison ! C’est fondamental d’arriver à retranscrire le visuel par écrit. Quand on y pense, comment vivre une histoire si on ne se la représente pas ? Ça passe forcément par l’exploitation des démonstrations physiques des personnages.
— Ouais, et la ponctuation y participe beaucoup, aussi, je trouve, affirmai-je en agitant mon stylo dans les airs.
— Entièrement d’accord ! Tiens, en parlant de ponctuation, moi, quand je corrige des romans, j’ajoute ou replace toujours les apostrophes.
— Les apostrophes ? rétorquai-je, surprise.
— Tu sais, quand il y a une virgule devant un prénom ? Eh bien, elle n’est pas là en tant que touriste. Cette virgule a une place capitale dans la phrase pour comprendre le sens. Exemple bête : « On mange, Paul ! » et « On mange Paul ! » ne veulent absolument pas dire la même chose.
— Alors… effectivement. Dans la deuxième, sans la virgule, on dirait qu’on va manger du Paul pour le petit déjeuner. Alors que le personnage l’appelle simplement pour manger, de base. C’est ça ?
Semblant valider mon cheminement de pensée, Charlotte hocha la tête.
— D’où l’importance de bien l’utiliser, sinon ça donne des situations… euh, disons… cocasses.
— Ah bah tu m’étonnes ! indiquai-je avant d’éclater de rire.
— Du coup, on est d’accord pour dire que la ponctuation joue un rôle essentiel. Ne serait-ce qu’avec l’usage des « … » qui indique une hésitation, une peur, un doute.
— Oui. Par exemple, un personnage timide va avoir du mal à prendre la parole ou ne pas être sûr de sa réplique. Donc les points de suspension peuvent donner vie à cette hésitation, liée à sa personnalité.
— Tout à fait, tout le monde comprend ce signe sans que ce soit clairement dit pour autant. Je dirais même qu’il faut que la manière de parler du personnage soit cohérente avec sa façon d’être, indiqua-t-elle en agitant ses mains comme pour appuyer ses paroles.
— Et puis, ça évite aussi l’utilisation excessive d’incises avec les verbes de parole. Je les appelle même « obstacles de lecture », par moments. J’avoue que sur mon temps libre, avec mes lectures perso, je les saute parfois…
— Oh, je fais ça aussi ! Mais chuuuut, faut pas le dire !
Charlotte me regarda d’un air complice en posant son index sur sa bouche.
— De toute façon, ce qui se passe dans cet article reste dans cet article, on est d’accord, Domi ?
— Mais oui, tout ce qui se passe dans cet article reste dans cet article, murmurai-je en me rapprochant de mon écran. Perso, je pose toujours deux questions à mes auteur·es quand ils ont un souci avec l’usage des incises : est-ce que l’organisation du dialogue donne une indication sur la personne qui prend la parole ? Et est-ce que la formulation ou ponctuation donne des informations sur le ton de la réplique ? Si la réponse est oui, alors le verbe de parole n’est pas nécessaire.
— Très bonnes questions ! En fait, elles permettent d’axer la compréhension des lecteur·rices et fluidifient le dialogue.
— Tout à fait. C’est une recette magique qui fonctionne à chaque fois !
— Je valide à 100 % ! chantonna-t-elle en applaudissant. Et aussi, je pense qu’il ne faut pas l’oublier, bien choisir ses verbes de parole est SU-PER important. Et non, « haussa-t-elle les épaules », « fronça-t-il les sourcils » ou encore « montra du doigt Untel ou Unetelle » ne font pas partie de cette catégorie.
— Ou « rougit-il » ! répliquai-je en levant le doigt. Le but avec les verbes de parole est d’indiquer qui parle et comment pour que le personnage existe dans l’esprit du lecteur, comme dans un film.
— C’est ça ! Et ne zappons pas non plus que le verbe n’est qu’une partie de l’incise, c’est pour ça que je parlais de façon d’être plus haut.
— Oui, pour que le personnage soit vivant et agisse comme un être humain dans la narration !
— Totalement ! Et pour rebondir sur ce que tu dis, c’est pour ça que dans ce dialogue, il y a des tics de langage avec tes fameux « d’ailleurs » et mes « après tout », et un langage moins soutenu qu’à l’écrit, bien que nous soyons toutes deux professionnelles de l’édition.
— Et surtout… nos deux personnalités qui transparaissent avec nos répliques humoristiques et nos références un peu décalées.
— Juste un peu ! répéta-t-elle en masquant son rire. Enfin bref, sur ces bons conseils, je vais devoir te laisser, Domi. J’ai encore quelques pages de mon tapuscrit en cours à corriger.
— Oh la la, tu as raison. Il faut que je retourne au mien. On se retrouve la prochaine fois, dès qu’on peut prendre deux minutes ? Ou trente, déclarai-je en rigolant. Bisous !
Au fait, toi qui as lu ce dialogue, retrouve ci-dessous un petit résumé de tout ce qui a été dit. Et on espère que notre échange a pu te donner des pistes concrètes pour écrire les dialogues dans un roman !
1️⃣ Avant toute chose, il est important de déterminer à quoi sert le dialogue pour ce chapitre ; tout doit être réfléchi et avoir une raison d’être spécifique.
2️⃣ Ensuite, s’amuser avec les tics de langage permet à tes personnages d’être mis en avant dans la narration et d’être différenciés les uns des autres. Observer la réalité peut être un bon exercice pour apprendre à caractériser tes protagonistes.
3️⃣ Et tirer profit du langage corporel, qui représente 80 % de notre communication, donne la possibilité au lecteur de faire l’expérience de tes êtres de papier et de les humaniser.
4️⃣ Il ne faut pas oublier l’usage de la ponctuation qui participe à la compréhension d’un dialogue, comme les apostrophes ou encore les points d’exclamation, d’interrogation.
5️⃣ Mais il faut aussi faire attention à l’usage des verbes de parole et des incises pour ne les utiliser que quand elles sont nécessaires !
💡 Et pour présenter tes dialogues, il te faut utiliser non pas un tiret simple, mais un tiret dit « cadratin », avec une espace insécable après (le raccourci clavier dépend de ton ordinateur). Et n’oublie pas qu’il faut un tiret par prise de parole de chaque personnage.
Si tu te demandes qui sont les personnes derrière cet article, nous voici :

Ça, c'est moi. Enchantée ! Je suis Domitille de l'Amour des mots et je tiens ce blog, en tant que rédactrice en cheffe. Ce blog est un espace qui produit mensuellement du contenu pop corn pour les auteur·es. Je suis surtout professionnelle de l'édition depuis 2022 et j'aide chacun·e à écrire et réécrire son roman, quelle que soit la voie de publication choisie.

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