Travailler et éviter les répétitions dans un roman
- dblamourdesmots

- 15 oct.
- 8 min de lecture
Voici la retranscription d’une conversation avec Charlotte de Je vous lis, correctrice et bêta-lectrice professionnelle, à propos des répétitions dans un roman.
— Ma Charlotte, nous voici de retour pour un nouvel article de blog !
— Quel plaisir de te retrouver ! me lança-t-elle avec un immense sourire. De quoi parlons-nous aujourd’hui ?
— Eh bien, d’après notre planning commun, on s’attaque aux répétitions dans un roman, dis-je en regardant mon écran.
— Ah, bien ! Sacrée thématique qui fait tourner nos auteur·es en bourrique et qui les conduit parfois à nous maudire. Je parle d’expérience…
— Roh, toi et tes manuscrits remplis de couleurs, une grande histoire d’amour. Mais en vrai, c’est comme pour tout en écriture : s’en débarrasser, ça s’apprend !
— Haha, c’est vrai, mes arcs-en-ciel pour mettre les occurrences et les répétitions en évidence donnent souvent des sueurs froides à mes auteur·es.
Charlotte me jeta un regard complice, une main devant la bouche, semblant retenir son rire. Je lui fis un clin d’œil, tout aussi amusée qu’elle par cette blague que nous étions les seules à comprendre.
— Mais attends, tu fais la distinction entre une répétition et une occurrence, toi ? la questionnai-je en fronçant les sourcils.
— Yep ! En fait, une répétition est présente dans quelques paragraphes, alors qu’une occurrence se retrouve dans tout le texte à beaucoup de reprises. C’est notamment le cas avec les conjonctions et les prépositions telles que « mais », « pour », « dans », « avec »… Et on peut ajouter à ça les tics des auteurs. Quand je renvoie le texte, ça donne un beau tableau coloré, tu verrais ça ! me confie Charlotte, mi-fière, mi-coupable.
— Ah oui, ce sont tous les petits détails narratifs, en fait. Mais du coup, vu que je ne suis pas correctrice, j’ai un peu de mal à me représenter tout ça. Parce qu’après tout, les « mais » et compagnie, on les utilise tout le temps quand on écrit. Ça veut dire qu’ils sont… mauvais ?
— Alors, bien sûr, ce n’est pas un mal de les utiliser, au contraire. Le souci, c’est de trop les utiliser. Quand je les pointe dans un texte, c’est parce que ces occurrences reviennent assez souvent dans un même paragraphe, ce qui alourdit la narration. En soi, le but n’est pas de toutes les éradiquer, mais de fluidifier le texte en en modifiant ou en en supprimant quelques-unes. Tu saisis la nuance ?
— Oui, en fait, tout est une question d’équilibre, quoi. C’est comme pour les répétitions, rétorquai-je en souriant. Moi, je propose qu’on glisse un exemple concret pour être sûres que tout le monde comprend bien ce qu’on veut dire. T’en penses quoi ?
— Ouais, t’as raison !
Alors que je me creusais la tête pour trouver un exemple pertinent, Charlotte s’empara de sa plus belle plume et m’écrivit quelques lignes en deux temps trois mouvements.
« Domitille et Charlotte avaient pour habitude de se retrouver chaque mercredi du mois pour débriefer leur semaine. Elles appelaient ça “le rendez-vous du mercre-die”. Pour alléger l’appel, elles lançaient des blagues de mauvais goût pour rebondir sur leurs mauvaises expériences. »
— Tu vois, dans ce paragraphe, les occurrences de « pour » ont été surlignées pour montrer qu’elles apparaissent un certain nombre de fois, alors que la répétition est seulement mise en couleur et soulignée. Au final, la différence est aussi visuelle.
— Ah, le fameux arc-en-ciel ! Mais du coup, maintenant qu’on sait ça, les « pour », tu nous conseilles de les remplacer par quoi ?
— En fait, si on reprend notre exemple, voici ce que ça pourrait donner :
« Domitille et Charlotte avaient l’habitude de se retrouver chaque mercredi du mois pour débriefer leur semaine. Elles appelaient ça “le rendez-vous du mercre-die”. Afin d’alléger l’appel, elles lançaient des blagues douteuses, rebondissant sur leurs mauvaises expériences. »
— D’accord, d’accord, dis-je en hochant la tête. Donc en gros, les occurrences, ce sont vraiment les petits mots qui peuvent être remplacés par un autre ? Parce que « de » ou « ses », ça, ce n’est pas pris en compte ?
— C’est ça ! Tu as tout compris, répliqua-t-elle, les deux pouces en l’air. D’où l’importance de les mettre en évidence, car cela montre aussi le vocabulaire de l’auteur·e.
— Et ça, ça s’acquiert, d’ailleurs. J’ai beaucoup d’auteur·es qui se dévalorisent ou qui sont peiné·es de ne pas avoir un vocabulaire assez développé ou une plume assez mature. Et ce n’est pas faute de leur répéter qu’écrire un roman, raconter une histoire, eh bien… ça s’apprend, quoi. C’est pas inné et c’est pas naturel non plus.
— On est d’accord ! Je répète très souvent que tout le monde peut écrire, mais que raconter une histoire demande un peu plus d’apprentissage. Notamment au niveau du vocabulaire, du coup. C’est pour ça que le but d’un premier jet est de poser son histoire à plat ; la reprise des occurrences et des répétitions se fait lors de la réécriture, lorsque l’auteur·e a pris du recul sur son texte.
— Exactement ! Parce que le but d’un premier jet, c’est…
— D’EXISTER !
Je claquai des doigts pour marquer le coup et Charlotte me fit un clin d’œil de connivence.
— Tout à fait. Il n’a pas besoin d’être parfait ou d’être travaillé, il a juste besoin d’être écrit, rajoutai-je en brandissant mon stylo. Et l’auteur·e peut se préoccuper de cette problématique lorsque le texte est terminé. Avant, j’avoue que ça ne sert à rien, vu que le fond va forcément bouger !
— Bah ouais, c’est contreproductif ! Et du coup, pour corriger ce point-là, quel conseil tu donnes à tes auteur·es ?
— Eh bien, je dirais que plus tu écris, plus tu prends le coche. Donc mon conseil est de ne pas s’occuper de la forme et d’écrire, d’écrire, d’écrire. C’est comme ça qu’une plume prend en maturité, en confiance et en stabilité, et qu’un·e auteur·e se découvre aussi, en quelque sorte. Découvre ce qu’iel aime, comment iel veut écrire, raconter, décrire. Lire les autres, pendant le processus, aide grandement aussi.
— C’est un bon conseil, ça permet vraiment de muscler son cerveau, rebondit Charlotte en hochant la tête. D’une part, l’auteur·e peut voir comment la narration tombe et quels mots sont utilisés : du coup, il s’enrichit presque sans effort. Et d’autre part, il développe des compétences en mettant en pratique ce qu’il a appris.
— Oui, c’est ça. Et d’ailleurs, par rapport au fait de muscler son cerveau et de développer son vocabulaire, il y a quelque chose que je dis toujours : demande-toi si tu ne connais pas un synonyme avant d’aller le chercher dans une banque de données fiable comme CRISCO, site que je conseille d’ailleurs toujours. Parce qu’au final, ces sites sont de vraies béquilles ; mais parfois, se prêter au jeu aide notre vocabulaire à s’enrichir parce qu’on fournit un effort conscient.
— Mais oui ! Les sites ne sont toutefois pas à bannir, ils sont d’ailleurs à la base une sorte de tremplin pour développer son vocabulaire. Dans un sens, plus on s’entraîne à retenir ces synonymes, plus on les utilise naturellement.
— C’est ça. En gros, c’est un sport narratif, quoi.
— Haha, j’aime trop cette formulation, je vais la noter !
Charlotte sortit un petit carnet de je ne sais où et inscrivit la citation. Je n’étais pas peu fière d’en être à l’origine.
— Maintenant qu’on a parlé de la forme, et si on s’attaquait au fond ? T’en penses quoi, Domi ?
— Je pense que c’est une bien bonne idée, ma Charlotte. C’est vrai qu’il n’y a pas que des répétitions de vocabulaire, quand on y pense. Celles de scénario sont aussi à prendre en compte lors de la réécriture.
— Tu lis dans ma tête, c’est totalement à ça que je pensais ! Les répétitions au niveau du scénario sont une facilité, elles créent des raccourcis scénaristiques et parfois des incohérences, et on veut les expédier très loin, celles-là. Cela dessert plus que ça ne permet de construire une trame logique, en soi.
— Ouais, c’est comme les personnages qui s’endorment à chaque fin de chapitre à plusieurs reprises, ou ceux qui prennent quatre fois le métro dans un seul et même chapitre. Je crois qu’on ne s’en rend pas forcément compte en étant auteur·e, pendant le premier jet. C’est après que ça apparaît !
— Et c’est pour ça que le conseil que je donne le plus, c’est de mettre toute la trame à plat. En ayant une vue d’ensemble, ça permet de varier les évènements, d’essayer de présenter et d’exploiter les scènes sous un autre angle, récapitula-t-elle en énumérant chaque point sur ses doigts.
— Oh, je conseille la même chose, j’appelle ça « la frise de roman » ! Et puis, c’est plus simple aussi de voir littéralement où sont les répétitions de scénario. Quand t’as le nez dans ton manuscrit, c’est un peu plus dur de le déterminer, quoi, complétai-je en faisant une grimace.
— On est entièrement d’accord. On ne le répétera jamais assez, mais la pause après l’écriture du premier jet est primordiale. Plus on laisse reposer une histoire, plus on la redécouvre avec un regard neuf. Après tout, l’auteur·e est le·a premier·ère lecteur·ice de son roman, finalement.
— C’est vrai, quand on y pense. D’ailleurs, on parlait de lire pour travailler son vocabulaire, tout à l’heure, mais on peut aussi le faire pour ce cas de figure ! rétorquai-je en survolant nos notes du doigt.
— Tout à fait ! Lire les autres permet aussi de comprendre d’autres mécanismes d’écriture, des approches différentes. L’idée n’est pas de s’inspirer de ce que font les autres, mais de comprendre comment les rouages de l’écriture fonctionnent.
— En parlant de rouages, ça me fait penser que j’ai un thriller sur le feu avec une scène bien glauque à rédiger, et je m’étais programmé une petite séance avant le dîner.
— Ohh, bonne idée, ça ! Ça te dit qu’on fasse une guerre de mots ensemble ?
— Avec plaisir, tu sais que je suis toujours partante pour nos séances d’écriture communes !
— Et zé partiiii ! me dit-elle sur un ton enjoué, comme le ferait un présentateur dans une fête foraine.
Au fait, toi qui as lu ce dialogue, retrouve ci-dessous un petit résumé de tout ce qui a été dit. On espère que notre échange a pu te donner des pistes concrètes pour travailler et combattre toutes les répétitions dans ton roman.
On a appris la différence entre une occurrence et une répétition dans un texte, et comment s’en débarrasser.
Ensuite, on s’est rendu compte que raconter une histoire, ça s’apprend. Et qu’un travail sur la forme se fait lors de la réécriture, pas pendant l’écriture d’un premier jet (qui a pour seul but d’exister).
On a réalisé que pour travailler et développer son vocabulaire, il s’agit surtout de muscler son cerveau. Plus tu écris, plus tu prends le coche !
On a aussi pris conscience du fait que les répétitions ne sont pas que narratives : elles sont aussi scénaristiques. Il est donc nécessaire de mettre la trame à plat pour prendre du recul et exploiter les scènes autrement.
Et pour finir, on a souligné que lire les autres pouvait permettre de mieux comprendre les rouages de l’écriture, et donc de lutter contre les répétitions à long terme.
On peut conclure en disant que tout ce travail est la preuve pour ton lecteur que ton texte a été correctement travaillé, rendant son expérience de lecture plaisante, fluide et rythmée !

Ça, c'est moi. Enchantée ! Je suis Domitille de l'Amour des mots et je tiens ce blog, en tant que rédactrice en cheffe. Ce blog est un espace qui produit mensuellement du contenu pop corn pour les auteur·es. Je suis surtout professionnelle de l'édition depuis 2022 et j'aide chacun·e à écrire et réécrire son roman, quelle que soit la voie de publication choisie.

Et ça, c’est Charlotte de Je vous lis, la seconde voix de ce dialogue. Elle est également professionnelle de l’édition depuis 2021 et elle aide les auteur·es à prendre confiance en leurs écrits en leur montrant que ceux-ci méritent d’être lus. Retrouve toutes ses informations sur son site internet et sur son instagram.



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